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Plein-Jeu à Saint-Séverin

 

Les orgues de Saint-Séverin

A propos de l’orgue de Saint-Séverin

LE PROJET DE 1959

Le grand orgue de Saint-Séverin, dans son état actuel (janvier 2025), est la réalisation exacte des vœux de Michel CHAPUIS, organiste emblématique du mouvement de redécouverte, dans la seconde moitié du XXᵉ siècle, de l'interprétation du répertoire classique français, à qui le Père AUMONT, prêtre attaché à la paroisse, avait demandé vers 1959 de diriger une restauration de l'instrument.

 

Michel CHAPUIS, ayant visité l'orgue dont on savait qu'il avait été installé sur la tribune actuelle en 1748 par le facteur Claude FERRAND (avec conservation vraisemblable du matériel d'instruments antérieurs) et ensuite radicalement modifié dans un goût romantique par les frères ABBEY en 1889, avait constaté qu’il contenait encore une proportion très importante de matériel du XVIIᵉ siècle ou plus ancien.

 

Se consacrant depuis longtemps à l’étude du répertoire pour orgue de ces périodes, notamment en France et en Allemagne, tant sur un plan musicologique avec l’étude de documents que sur un plan pratique avec l’expérience de la facture d’orgues et l’exécution sur instruments d’époques (participant ainsi à un mouvement qui montait alors en puissance parmi les musiciens pratiquant le répertoire ancien dans le monde entier, interprètes bientôt qualifiés de « baroqueux »), Michel CHAPUIS proposa une transformation visant la possibilité d’interpréter convenablement le répertoire des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles. Il en disait  : « nous avons agrandi l'instrument pour en faire une synthèse d'orgue classique, pas seulement un orgue classique français, mais un instrument qui, par la disposition de ses pleins-jeux notamment, permet aussi l'exécution de la littérature allemande. C'est un peu une synthèse comme celle qui avait été réalisée naguère au XVIIIᵉ siècle, en Hollande, par Jean-Baptiste MOREAU, facteur français qui tenta lui aussi une fusion de l'orgue français et de l'orgue allemand. » (« Claude Duchesneau interroge Michel Chapuis », éditions Le Centurion, p. 113).

L’ESTHETIQUE DE L’ORGUE FRANCAIS DE LA FIN DE L’ERE ROMANTIQUE AUX ANNEES 1950

Depuis le milieu du 19e siècle, la facture instrumentale avait vu la création de l'orgue romantique puis symphonique qui s'inspirait du grand orchestre et dont quelques caractéristiques étaient notamment

  • la fusion des différents timbres permettant un crescendo continu aboutissant à une sonorité très puissante, le Grand chœur - évoluant plus tard vers le Tutti - (avec en France le rôle essentiel de la boîte expressive permettant des nuances et un crescendo faisant apparaître progressivement le timbre des anches au milieu de celui des fonds jusqu’à le faire dominer, les mixtures aidant à renforcer les dessus face à des basses d’anches plus puissantes), fusion permise par une alimentation en vent beaucoup plus généreuse qu'auparavant et des pressions plus élevées ;

  • divers procédés techniques visant à faire dominer les dessus dans les mélanges de jeux de fond de façon à faire entendre un chant soliste accompagné par une masse instrumentale ;

  • des moyens de transmission entre les claviers et les tuyaux (machine Barker ou autre) rendant le toucher aussi léger que celui d’un piano et favorisant un jeu legato en accord avec l'esthétique musicale de l’époque.

À cette esthétique avait succédé celle de l'orgue néoclassique des années 1920-1950 visant une synthèse entre l'orgue symphonique et un orgue classique plus imaginaire que sérieusement restitué (synthèse censée permettre de jouer tout le répertoire écrit jusqu'alors, mais s'accommodant par exemple fort bien d'une transmission électrique entre les claviers et les tuyaux).

UN RETOUR VERS LA FACTURE CLASSIQUE

Michel CHAPUIS, qui depuis des années se consacrait à l'étude des répertoires des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles français et allemands, dressait un constat d'échec de cette démarche qui avait alors pignon sur rue, et estimait que l'orgue néoclassique n'était en fait ni « néo » (puisque la volonté d'embrasser tout le répertoire était déjà présente chez CAVAILLÉ COLL qui avait voulu réaliser un « trait d'union entre l’art ancien et l’art nouveau » - lettre d'Aristide CAVAILLÉ COLL à Jacques-Nicolas LEMMENS du 30 janvier 1863 ; renseignement aimablement communiqué par Daniel ROTH) ni « classique » (car ne permettant absolument pas la restitution correcte du répertoire ancien) ; il prônait pour l’interprétation de celui-ci un retour à une facture instrumentale proche de – ou identique à, selon les cas - la facture classique, et basée sur les données réelles (et non plus imaginaires) de celle-ci.

 

Pour les travaux à l’orgue de Saint-Séverin, Michel CHAPUIS (alors professeur d'orgue au conservatoire de Strasbourg) recommanda le facteur alsacien Alfred KERN dont il avait vu et hautement apprécié plusieurs restaurations d'instruments en Alsace et qui fut ainsi chargé par la Ville de Paris des travaux de transformation radicale de l'instrument.

UN NOYAU CLASSIQUE FRANÇAIS

La pression du vent fut fortement abaissée à des valeurs comprises entre 60 et 70 millimètres de colonne d'eau (contre des valeurs avoisinant les 95 à 105 mm pour un instrument de la fin du XIXᵉ siècle).

 

Une traction mécanique fut créée sur les plans du facteur Philippe HARTMANN (l'état de la facture d'orgues était tel alors que les grandes manufactures françaises approchées avant Kern avaient unanimement décrété l’impossibilité de construire une traction mécanique à quatre claviers manuels, la traction électrique étant seule envisageable selon elles), la console se retrouvait, comme dans les instruments anciens, « en fenêtre » c’est à dire implantée dans le soubassement du grand buffet afin de minimiser le parcours de la mécanique entre les claviers et les tuyaux ; tout ceci permettait, de concert avec les pressions basses, des attaques et des relevés précis et différenciés, des subtilités permettant un toucher défini, ciselé, propre à l'interprétation des répertoires des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles.

 

Les plans sonores associés aux claviers manuels (qui constituent dans l'orgue classique français la quasi-totalité de l'instrument) furent (à quelques exceptions que l'on abordera plus loin) choisis, disposés spatialement et traités d'un point de vue sonore de façon à restituer ce que pouvait être l'instrument à l'époque de son installation en 1748 ; son état exact n'est pas connu mais les instruments classiques français de cette importance étaient assez standardisés.

  • Le grand plan romantique du récit expressif, qui jouait un rôle central dans la construction du crescendo de l'instrument romantique, fut purement et simplement supprimé.

  • Le positif de dos (à la hauteur de la tribune, dans un petit buffet - vidé au 19e siècle - masquant l’organiste) retrouva sa fonction instrumentale par l’implantation d’une riche tuyauterie en partie historique.

  • Par ailleurs un plan d’écho fut créé, avec son effet classique d’éloignement du fait de sa localisation dans le soubassement du grand buffet, derrière le pupitre de l’organiste.

 

L’orgue renoua ainsi avec une conception par plans sonores différenciés (tournant le dos à la fusion globale des timbres, idéal de l’orgue romantique).

 

Les tuyaux des jeux de fond virent leurs entailles de timbres (ouvertures verticales près du haut des tuyaux, créées au XIXᵉ siècle pour modifier et enrichir considérablement les harmoniques développées) refermées, afin de retrouver un son calme, noble et plus doux, caractéristique des sonorités françaises de l'époque classique.

 

Les jeux de fond aux claviers manuels se limitaient désormais aux principaux, bourdons et flûtes (de 4' et au-dessus), le tout avec une harmonie calme, ronde, et transparente afin de favoriser la lisibilité polyphonique (les dessus ne sonnant plus comme des solistes accompagnés) ; une seule flûte 8', conique, et un quintaton 8' (jeu fortement coloré par l’émission de la quinte, 3e son harmonique) étaient toutefois ajoutés pour élargir la palette à des sonorités germaniques baroques. Les flûtes harmoniques et les jeux de taille étroite (gambes) furent en revanche écartés à deux seules exceptions (viole de gambe et unda maris de l'écho, donc sans rôle central).

 

La couleur des registrations reposait désormais entièrement, selon le principe de la facture classique française, et en dehors des quatre exceptions mentionnées ci-dessus, sur les jeux de mutation individuels (six jeux), les trois cornets, et les anches tant de détail que de grand jeu, très colorées mais sans vocation à se mélanger avec les grands ensembles de fonds. Ici encore on tournait le dos à la facture romantique qui multipliait les jeux de fond de 8’ et de 4’, non seulement pour obtenir une pâte sonore orchestrale grâce à leur complémentarité mais aussi pour permettre une diversité de couleurs par les harmoniques que ces jeux développaient par eux-mêmes (ce que Cavaillé Coll avait découvert notamment en Allemagne centrale lors de son tour d'Europe en 1844). Les jeux d'anches retrouvèrent leur clarté, et leur indépendance vis-à-vis des jeux de fond avec lesquels ils n’avaient plus vocation à fusionner.

 

L'harmonie établie par Alfred KERN s'inspirait notamment de celle des tuyaux dont on était sûr qu’ils n'avaient jamais été transformés depuis 1748, ceux de la façade du positif de dos qui n'avait dans l'instrument des frères ABBEY qu'un rôle décoratif. Ces tuyaux sont totalement dépourvus de dents, petites encoches destinées à supprimer les bruits à l'attaque d'une note et généralisées dans la facture romantique afin d'obtenir un legato lisse dépourvu d'articulation.

 

Le facteur s’est trouvé ici dans bien des cas face à un matériel historique qui a guidé sa démarche ; ainsi par exemple les résonateurs étroits du cromorne l’ont amené à caractériser celui-ci par une harmonisation servant plutôt le répertoire du XVIIᵉ siècle. L’homogénéité et la rondeur du cornet de plomb du XVIIᵉ siècle l’ont sans doute inspiré pour obtenir des qualités semblables pour le magnifique jeu de tierce du 3ᵉ clavier…

UNE COMPOSITION TOTALEMENT TRANFORMEE

L'orgue fut doté, à quasiment tous ses plans sonores, de riches jeux de mixtures, reconstruits avec comme vocation de couronner la pyramide des principaux pour former un grand plein jeu qui devint rapidement la registration emblématique de cet instrument.

Le plein jeu, sonorité propre à l'orgue (c'est-à-dire ne recherchant l'imitation d'aucun autre instrument, à la différence d’autres registrations), est la sonorité caractéristique de l'orgue médiéval et sans doute au-delà ; cette sonorité a persisté dans toute l'Europe jusque vers le milieu du XIXᵉ siècle avec des variantes régionales. Ensuite le désir d'imitation de l'orchestre symphonique ainsi qu'un style musical différent ont conduit à la modification complète des jeux qui le constituaient avec pour but non plus son existence propre mais un rôle complémentaire aux autres jeux de l'orgue afin d'éclaircir les mélanges les plus puissants ; parfois les jeux de mixtures furent purement et simplement éliminés. La reconstitution en 1963, à Saint-Séverin, de cette sonorité oubliée et de tant d’autres, en suivant les préceptes recueillis grâce à la fréquentation d'instruments anciens et à la consultation d'écrits historiques (notamment le fameux traité de facture d'orgues (1766-1770) du moine bénédictin DOM BÉDOS DE CELLES), fut une première qui marqua l’histoire de la facture d’orgues du XXᵉ siècle en France.

LE POSITIF DE DOS

La composition du positif de dos (1er clavier comme il se doit pour un orgue à traction mécanique) devint rigoureusement classique française, avec son petit plein jeu basé sur montre 8’, un jeu de tierce avec larigot (c’est-à-dire d’une esthétique fin XVIIᵉ – début XVIIIᵉ siècles) et deux anches (cromorne, trompette).

 

LE GRAND CLAVIER

Le très complet plan du Grand clavier (un plan complet en soi dans l’orgue classique français) était recréé mais, originalité imaginée par Michel CHAPUIS, ici réparti sur deux claviers :

  • au 2 clavier (grand orgue, tuyauterie à l’étage de la façade de tuyaux du grand buffet) le plein jeu basé sur la montre 16’ (principaux et mixtures) et le grand jeu (anches fortes et grand cornet),

  • au 3 clavier (récit, situé tout en haut du buffet – comme un Oberwerk allemand - et dont la sonorité est ainsi immédiatement réfléchie par les voûtes vers la nef) sont « exportés » les jeux doux (bourdons et flûtes composant le jeu de tierce basé sur un bourdon de 16 - avec la grosse tierce, apanage de l’orgue classique français, enrichissant cette fondamentale) et la voix humaine (petite anche) du XVIIIᵉ siècle.

  • Pour réunir ces deux claviers en un unique Grand clavier, ce qui est parfois nécessaire, non seulement un accouplement III/II, mais aussi un accouplement II/III. Ceci permet de choisir le clavier dont on conserve isolée la sonorité tout en l’additionnant à l’autre.

LE RÉCIT CLASSIQUE

Le 3 clavier accueille également deux jeux de dessus, solistes typiques du clavier de récit classique français : cornet (du XVIIᵉ siècle), hautbois (du XVIIIᵉ siècle).

L'ÉCHO

Le 4ᵉ clavier (écho) accueille comme c'était le cas dans les grands instruments un plein jeu, un jeu d'anche et un cornet. Pour permettre une utilisation la plus large possible de l'instrument (dans les limites toutefois imposées par sa facture) ce clavier descend jusqu'en bas, ce qui n'était pas l'usage à l'époque classique. De plus ce plan sonore est muni d'une boîte expressive permettant d'en varier l'intensité, de doux à extrêmement doux. Cette boîte ne joue en aucun cas ici le rôle de celle d'un instrument romantique qui est double : varier (beaucoup) l'intensité du plan sonore qu’elle renferme (souvent utilisé en soliste) d'une part, être d’autre part le noyau initial – au sein d’un ensemble de fonds des autres plans sonores - d'un crescendo pouvant mener jusqu'au tutti.

 

Des tremblants doux, au positif, au récit et depuis 2011 au grand orgue permettent de restituer les registrations classiques qui l’exigent et confèrent aux mélanges doux une poésie extraordinaire.

UNE OUVERTURE EN DIRECTION DE L’ALLEMAGNE

En plus de ce grand orgue classique français, quelques jeux offrent une ouverture vers le répertoire baroque allemand, comme le souhaitait Michel CHAPUIS.

 

À la pédale : ce plan est généralement nettement plus fourni dans les différentes traditions allemandes baroques qu’en France à la même époque. Ici, à l'exception des anches 8' et 4' historiques et typiquement françaises (d’une sonorité à la fois puissante, large et brillante, vraisemblablement du facteur Pierre DALLERY, 1825), la composition est d'inspiration totalement germanique, avec

  • un plenum basé sur la Flûte 16’ d’Abbey faisant office de Principal et couronné par deux mixtures dont une avec tierce (cette mixture pouvant également servir à composer un cornet de taille étroite pour une partie soliste en 4'),

  • des anches 16' et 32' de sonorité moins brillante,

  • des jeux doux 16', 8' et 2'.

Au grand orgue, en plus de la flûte conique 8’ déjà mentionnée, on trouve une anche courte (musette) et une cymbale-tierce conçue pour l'interprétation du répertoire d'Allemagne centrale (notamment BACH) et du Sud où les instruments contiennent souvent des tierces principales (séparées ou incluses dans des mixtures).

 

Au récit, un quintaton 8’ (jeu tout à fait étranger à la facture française classique mais courant en Allemagne et en Europe du Nord à la même époque) permet des mélanges très colorés de type germanique, et double l'utilisation qui peut être faite de ce clavier, tant avec les jeux de fond qu’avec les jeux d'anche.

Un sifflet 1' complète par ailleurs la collection des flûtes, jeu très commun en France à la Renaissance et jusqu’au troisième quart du 17e siècle d'une part et qui d'autre part était courant jusqu’au XVIIIᵉ siècle dans la sphère germanique. Là encore, volonté d'élargissement au répertoire allemand baroque.

 

À l'écho, en plus de la gambe et de l'unda maris déjà mentionnées, plus baroques que romantiques par l'étroitesse modérée de leurs tuyaux, un sifflet 1' complète la famille des flûtes dans le même esprit qu'au récit.

Certaines particularités dans la composition de l'instrument sont liées à son utilisation dans la liturgie. À l'époque du projet, il était de plus en plus question d'une participation croissante de l'assemblée des fidèles, ce qui fut confirmé par le concile Vatican II (1962 - 1965). C'est pourquoi Michel CHAPUIS avait souhaité dissocier les jeux forts et les jeux doux du grand orgue en les répartissant sur deux claviers. L'organiste pouvait ainsi passer immédiatement d'un mélange fort (accompagnement de l'assemblée) à un mélange doux (accompagnement d'un soliste ou improvisation d'un verset alternant avec le chant d'assemblée) ; cette pratique était évidemment différente de la pratique classique en France où l'orgue ne se mêlait généralement pas au chant.

Par ailleurs, pour faciliter des changements rapides de registrations permettant de les varier d'un verset à un autre ainsi qu'il était recommandé à l'époque baroque en Allemagne, Alfred KERN disposa des appels d'anches et de mixtures qui produisent, du fait des caractéristiques sonores de l'instrument, des modifications de sonorité franches, et non progressives selon un idéal romantique.

LE RAYONNEMENT DE L’ORGUE DE SAINT-SEVERIN

UNE IMPULSION NOUVELLE POUR LES MUSICIENS ET LES FACTEURS D'ORGUES
Dans un contexte d'intérêt grandissant pour l'interprétation de la musique ancienne sur instruments d'époque ou leurs copies, la reconstruction de l’orgue de Saint-Séverin fut un événement national et plus. Le rayonnement des organistes titulaires (Michel CHAPUIS, Jacques MARICHAL, Francis CHAPELET, André ISOIR, Jean BOYER…), personnalités très investies dans ce mouvement de redécouverte, assura à l'instrument une notoriété et une influence déterminante sur l'évolution de la facture d'orgues des dernières décennies du
XXᵉ siècle, sur tout un mouvement de restauration des instruments anciens, et galvanisa l’intérêt pour l’interprétation historiquement informée des répertoires anciens, notamment auprès des jeunes générations. Il faut également citer, dans ce mouvement, le travail essentiel du musicologue Jean SAINT-ARROMAN, dont le nom est associé à cette tribune où il enseigna l'interprétation du répertoire classique français aux côtés de Michel CHAPUIS pendant des années à une pléiade de jeunes musiciens dont beaucoup sont devenus des organistes de premier plan. Des interprètes de renommée mondiale furent inviter à jouer l’instrument ; on citera en particulier Helmut WALCHA, pionnier de l’interprétation de BACH sur instruments d’époque, qui vint pour la première fois en France donner trois récitals dont le succès fut retentissant.


On réalise difficilement aujourd’hui combien le projet de Michel CHAPUIS de revenir à un orgue ancien était alors révolutionnaire et isolé. Le facteur Alfred KERN, possédant déjà alors une belle connaissance des instruments anciens, était si peu connu que Michel CHAPUIS dut se porter garant de sa solidité financière sur ses deniers personnels pour que le projet soit accepté par la Ville de Paris... Le résultat des travaux fut un tel succès que la  démarche du retour vers un état antérieur (notamment classique) devint rapidement un modèle pour d’innombrables instruments dans les décennies qui suivirent.

L'ORGUE LITURGIQUE
Le rayonnement de l’instrument est aussi dû à sa place dans la liturgie à Saint-Séverin. La paroisse a été, sur le plan de la musique liturgique, un lieu de réflexion et d'innovation majeur à la suite du concile Vatican II (qui instituait une participation notablement accrue des fidèles), grâce à des équipes de prêtres et de musiciens particulièrement dynamiques et féconds. Ainsi a été créé un véritable répertoire de chants de Saint-Séverin qui n'aurait pu en outre voir le jour sans une assemblée réactive et enthousiaste. L’orgue, par ses caractéristiques, pouvait tenir un rôle parfaitement intégré et important dans cette liturgie ; l’organiste, accompagnant régulièrement des chants du répertoire des chorals, a souvent l’occasion d’interpréter des pièces écrites sur ces chorals ; par ailleurs la place donnée à l’orgue pour soutenir les fidèles dans leur prière et pour accompagner des actions de la liturgie (processions, offertoire, communion…) est ici particulièrement importante et fournit des occasions permanentes d’improviser, ce pour quoi l’instrument a entre autres été conçu. La liturgie de Saint-Séverin est devenue pour des générations de musiciens français et européens un nouveau modèle d'inspiration. C’est ici que bien des vocations d’organistes liturgiques sont nées ou se sont affirmées.

L'HISTOIRE CONTINUE

Après quasiment un demi-siècle, l'orgue fut restauré en 2011 par les facteurs Quentin BLUMENROEDER, Dominique THOMAS et Jean-Marie TRICOTEAUX dans un respect total de l'œuvre de Kern, alors que pourtant les techniques de reconstitution d'instruments anciens avaient énormément évolué entre-temps. Il n'était pas question de transformer ce que tous reconnaissaient comme un chef-d'œuvre qui faisait date dans l'histoire de la facture d'orgues.

 

Pareille réussite, toujours aussi exemplaire 60 ans plus tard, n'aurait pas été possible sans les profondes connaissances de Michel CHAPUIS, sans sa ténacité ni son audace, ni sans l'expérience, la prudence et le talent d'Alfred KERN.

 

Christophe MANTOUX, février 2025

Plein-Jeu à Saint-Séverin

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